Le départ des Messier vers la Nouvelle-France
Comment s’est fait le départ des Messier vers la Nouvelle-France?
Les historiens ont été incapables de fixer une date d’arrivée des Messier en Nouvelle-France. Lucien Campeau croit que le couple Primot est arrivé en 1641 à Québec avec Monsieur de Maisonneuve. Sulte mentionne l'année 1648 comme année d’arrivée de Jacques Messier. Claude Perreault, dans le dictionnaire biographique du Canada, croit que Michel est arrivé à Montréal en 1653. Quant à Marcel Trudel, auteur de plusieurs volumes sur l’histoire du Canada, il n’ose pas se prononcer.
L’incertitude des historiens vient du fait que les Messier n’ont pas signé d’engagement pour venir à Ville-Marie. Aucun document ne vient certifier leur départ. Il faut donc rassembler toutes les informations sur eux pour cerner une date de leur départ.
En 1605, à LaHaye, Michel Fossart est témoin au contrat de mariage de sa sœur Marie avec François Ansoult. L’acte mentionne que Michel revient de lointains pays, où il est parti huit ans plus tôt. Les récits de cet homme ont alimenté les conversations de toute la région pendant une longue période. Ils ont fait la conversation de plusieurs LeMessier jusqu’à Vascoeuil. Avec la misère qui régnait, certains ont dû être tentés d’émigrer dans le Nouveau Monde. Une émeute a même éclaté à Rouen, en 1639, déclenchée par des gens qui réclamaient du pain. Les pauvres avaient faim.
Jacques LeMessier, frère de David, décide d’en connaître un peu plus sur ces lointains pays. Quoi de mieux qu’une visite dans le port où partent les bateaux pour cette destination! En 1642, Jacques quitte donc Vascoeuil pour une visite à Dieppe, un des ports d’embarquement pour la Nouvelle-France. Il espère recueillir suffisamment d’informations pour satisfaire sa curiosité.
À Dieppe, il loge probablement à l’auberge de Pierre Lemoyne, le père de la future épouse de Michel. C’était le meilleur endroit pour être bien renseigné. En 1641, le fils de Pierre Lemoyne, Charles, était parti apportant un contrat d’engagement avec les Jésuites pour le Nouveau Monde. À ce moment, Pierre Lemoyne n’a pas pu informer Jacques sur son fils. Cependant, de nombreux marins qui faisaient la navette entre Dieppe et Québec séjournaient à l’auberge.
En 1642, c’est l’année de la fondation de Ville-Marie. En 1646, Charles Lemoyne s’installe en permanence à Ville-Marie après avoir fait un séjour à Trois-Rivières. Avec les informations reçues de son fils, Pierre Lemoyne a été mieux en mesure d’informer Jacques sur la colonie laurentienne.
À cette époque, on n’arrive pas à Ville-Marie sans aviser les autorités en place. Dans la préparation du voyage, Pierre Lemoyne est possiblement l’intermédiaire entre son fils Charles, Monsieur de Maisonneuve et Jacques. Il recevait les informations de Nouvelle-France qu’il transmettait à Jacques. Avec l’aide d’une personne, Jacques transmettait les intentions des Messier à Pierre Lemoyne, qui étaient ensuite expédiées aux autorités de Ville-Marie. Il est possible que Jacques ait fait plus d’un voyage à Dieppe avant son départ.
En 1649, les arrangements faits, cinq citoyens de Vascoeuil et St-Denis-le-Thiboult à savoir Jacques Messier, Antoine Primot et son épouse Martine Messier, Catherine Thierry, fille adoptive et nièce du couple Primot ainsi que Michel Messier choisissent de partir vers Ville-Marie via le port de Dieppe. L’influence de Pierre Lemoyne a probablement été pour quelque chose dans la décision de Jacques Messier et Antoine Primot de préférer Ville-Marie à Québec.
Les Messier ne sont pas arrivés à Dieppe quelques heures avant le départ du bateau, un vent favorable étant nécessaire pour larguer les amarres. Le groupe a probablement fait un séjour à l’auberge de Pierre Lemoyne. Pendant ces quelques jours, Michel a certainement rencontré les enfants de Pierre Lemoyne. Sans le savoir, il aurait vu sa future épouse Anne Lemoyne. À neuf ans, un garçon a autre chose à penser qu’au mariage. Pour quitter Dieppe, les hommes sont embarqués sur le bateau au large et attendent un vent favorable. Quand celui-ci arrive, on embarque les femmes et les enfants moins nombreux et c’est le départ pour Québec, avec dernière destination Ville-Marie. Sans s’en douter, Michel se retrouvera neuf ans plus tard, au pied de l’autel avec la petite fille de onze ans qu’il a rencontrée à Dieppe.
J’ai choisi l'année 1649 comme date de leur départ. Ils venaient de leur propre initiative. Évidemment, M. de Maisonneuve a été fort heureux de voir augmenter la population de Montréal de 10 %. À cette époque, les historiens évaluent la population de Ville-Marie à environ cinquante personnes. Pour en déterminer la date, il faut y aller par déductions.
Le 11 septembre 1694, devant le notaire Claude Maugue, Michel affirme qu’il était à Ville-Marie en 1650. Le 5 février 1651, à Ville-Marie, dans l’inventaire des biens de Michel Chauvin, Jacques est mentionné comme son débiteur. Toujours au même endroit, Catherine Primot est marraine le 20 avril 1650. D’autre part, Antoine Primot et Jacques sont présents le 25 mars 1643 à St-Denis-le-Thiboult. Avec ces quatre informations, je vous explique pourquoi j’ai choisi l’année 1649 comme date de départ.
Entreprendre un voyage de non-retour à cette époque demande un minimum de prudence. Pour cette raison, trois adultes ne sont pas de trop avec deux enfants de neuf ans. C’est un voyage qui peut durer plus de deux mois. À Ville-Marie, ils seront une cinquantaine de personnes à plus de cent quarante kilomètres de l’endroit le plus près pour trouver du secours. Ils seront entourés d’un monde hostile. Pour cette raison, je crois qu’ils sont tous partis ensemble.
Catherine Primot était à Ville-Marie le 20 avril 1650. Pour y être, elle devait être partie au plus tard en 1649. Avec Antoine Primot qui était à St-Denis-le-Thiboult en 1643, le groupe est parti entre 1644 et 1649. Ce n’est certainement pas quand Michel et Catherine Primot étaient âgés de moins de six ans que ces gens ont quitté leur coin de pays. De plus, si Pierre Lemoyne influence les Messier sur leur destination, c’est quand son fils Charles peut lui parler de cet endroit, c’est-à-dire après 1644, quand il revient à Trois-Rivières après avoir passé trois ans chez les Hurons.
Pour ces raisons, 1649 est un choix logique comme année de leur départ. Les navires, partis de Dieppe, arrivent à Québec le 23 août. Quand Michel affirme qu’il est à Ville-Marie depuis 1650, dans un certain sens, il n’a pas tort. Le temps d’arriver à Ville-Marie, et de s’y acclimater, lui permet d’être présent à la date mentionnée dans l’acte notarié.
Texte tiré du volume de Gilles Messier : Les Messier et leurs ancêtres, 700 ans d'histoire.