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Michel Messier

Ses captivités avec les Iroquois

Michel a dû combattre plusieurs fois les Iroquois. Comme lieutenant, et plus tard, comme capitaine de la milice. Les miliciens de Montréal étaient présents chaque fois que leurs services étaient requis et ils étaient grandement appréciés. Que l’on pense à l’expédition du 9 janvier 1666 où 70 miliciens de Ville-Marie accompagnaient les soldats et à celle du 14 septembre 1666 avec 110 Montréalistes, etc. Les miliciens de Montréal avaient la réputation d’être de durs guerriers et étaient craints des Iroquois. Ceux-ci affirmaient qu’ils aimaient mieux affronter deux Français d’ailleurs qu’un gars de Montréal.

 

Sa première captivité

 

À l’automne de 1654, Michel est en Nouvelle-France depuis 5 ans. On quitte le fort pour défricher la terre. Pour se protéger des attaques ennemies qui sont très fréquentes, les colons décident de poster une sentinelle pour parer à toute attaque surprise. Le défrichage de la terre demande de bons bras. Michel a quatorze ans, il n’a pas encore la robustesse d’un homme. On se résout à lui donner une arme avec mission de veiller à la protection des travailleurs. Pour avoir une meilleure vue, il décide de se poster sur une grosse souche. Les heures passent, son attention est attirée vers la forêt et occasionnellement vers les travailleurs. L’ennemi guette. Un Iroquois s’approche lentement de la sentinelle chaque fois que son regard est dirigé vers les défricheurs. Quand Michel regarde vers la forêt, celui-là reste immobile, caché par un arbre ou des broussailles. L’homme attend patiemment l’instant propice. Le moment venu, l’Iroquois fonce, le saisit par les jambes et fuit à toutes jambes en direction de ses complices. Notre ancêtre est prisonnier.

 

À ses cris, les colons s’organisent pour essayer d’arracher l’adolescent des mains de l’ennemi. Le bruit attire Lambert Closse qui était dans le fort. Il voit un capitaine iroquois nommé « La Barrique Â» haranguer ses troupes afin d’attaquer les Français. Lambert Closse demande à son meilleur tireur d’abattre cet homme. Celui-ci s’exécute avec justesse. À la vue de leur chef qu’ils croient mort, les Iroquois battent en retraite apportant avec eux leur prisonnier. « La Barrique Â» sera emmené dans le fort, où les bons soins de Jeanne Mance lui sauveront la vie. C’est le début d’une longue guérilla qui se terminera en juin 1655 par la libération de Michel.

 

Un échange de prisonniers est fait. Plusieurs Iroquois étaient détenus à Ville-Marie. En débarquant leurs prisonniers sur les bords du St.-Laurent, ils les laissent entre les mains des premiers colons venus les accueillir. Ils se précipitent vers le fort chercher leurs frères captifs. Michel revient de sa captivité avec d’autres Français dont Élisabeth Moyen qui deviendra l’épouse de Lambert Closse. L’absence de Michel avait duré plus ou moins neuf mois.

 

Élisabeth Moyen, cette jeune fille de 14 ans, dont les parents avaient été tués par les Iroquois, fut prise en charge par Jeanne Mance. Elle fut ensuite confiée à la famille Messier, d’excellente réputation, jusqu’à son mariage avec Lambert Closse.

 

Deuxième captivité de Michel

 

Le jeudi 24 mars 1661, près de Ville-Marie, a lieu un dur combat. Plusieurs Français se font tuer, d’autres sont faits prisonniers. Michel est parmi eux. Le 18 juin 1661 au baptême de sa fille Jeanne, il est absent et on note dans le registre qu’on ne sait s’il est mort ou vivant. Quelques jours plus tard, des ambassadeurs de paix iroquois se présentent à Ville-Marie. Charles Lemoyne, le diplomate et interprète s’informe sur les Français prisonniers. Il insiste particulièrement sur le sort de son beau-frère Michel Messier. Les ambassadeurs Agniers lui répondent qu’après les combats du 24 mars, ils s’étaient partagés les prisonniers et que Michel avait été mis entre les mains des Onontagués afin d’être brûlé.

 

C’est l’indignation à Ville-Marie. Michel est bien considéré et est en plus allié avec les principales familles de la place. C’était également le jeune garçon que les Maisonneuve, Jeanne Mance et autres fondateurs de Montréal avaient bien connu. Dans les registres de Ville-Marie du 22 juin 1661, trois mois après sa prise, on inscrit son décès. Plus tard, à une date indéterminée, on ajoute ces mots : « Depuis nous avons eu nouvelles certaines qu’il n’est pas mort. Â»

 

Que devient Michel ? L’abbé de Jordy prétend qu’il a échappé à ses bourreaux avant que ceux-ci ne mettent leur plan à exécution. Pour appuyer sa thèse, il copie un texte qu’il a trouvé dans les Relations des Jésuites en remplaçant « un Français Â» par « Michel Messier Â». Je ne crois pas que le Français soit l’époux d’Anne Lemoyne. En Iroquoisie, ses geôliers ont trois choix sur son sort : le tuer maintenant, être considéré comme un esclave ou être adopté par une famille. Il aura probablement la vie sauve en étant « adopté Â», selon la coutume indienne, pour remplacer un frère, un époux ou un fils tué à la guerre. C’était souvent les femmes qui décident du sort des prisonniers. On détruit leurs vêtements pour les remplacer par ceux portés par les indiens.

 

Son retour

 

Le 29 août 1661, M. Lemaitre, sulpicien, est tué et décapité par les Iroquois. Ils enveloppent sa tête dans son mouchoir et apportent le macabre colis avec eux en Iroquoisie. Dans leur bourgade, ils développent le colis et surprise ! la figure du Sulpicien apparaît imprimée sur le mouchoir. Quelques Français prisonniers dont Michel Messier « homme digne de foi Â» selon le témoignage de sÅ“ur Marie Morin, Hospitalière de Saint-Joseph, ont vu ce mouchoir.

 

Donc fin de 1661, Michel est toujours prisonnier. Certains croient qu’il revient parmi les siens, le 31 août 1662, quand des Iroquois reviennent à Ville-Marie avec des prisonniers. Encore une fois, il faut rejeter cette hypothèse. Le 13 mai 1664 à Dieppe, Jean Assegond, notaire de la place, possède une procuration de Charles, Jacques, Jeanne et Anne Lemoyne au sujet de la succession de leurs parents. La procuration date du 4 septembre 1662, soit cinq jours après l’arrivée des Iroquois. Le document indique que l’époux d’Anne Lemoyne est toujours prisonnier.

 

En attendant les renforts promis, M. de Maisonneuve crée, le 27 janvier 1663, la milice de la Sainte-Famille afin de défendre Montréal de ses ennemis. Michel, qui n'est toujours pas disponible, n’en fait pas partie. La raison est qu’il est toujours prisonnier. L’explication qui suit est la plus logique. Au printemps 1663, Michel se joint à d’autres Français pour fausser compagnie à ses geôliers. Profitant d’une partie de chasse, il fuit en direction du fort Orange (Albany), chez les Hollandais. Sa fuite à travers les bois dure neuf jours, se déplaçant de nuit et se cachant le jour pour éviter d’être repris. Ayant atteint son but et avec la complicité de ses hôtes, il gagne Manhatte (New York). Ensuite avec l’aide des Anglais, il se dirige vers Boston. Il n’est pas le seul à avoir faussé la vigilance de ses geôliers. A Boston, il est avec six autres Français.

 

Le scénario qui suit semble assez près de la vérité. Avec les autres Français, Michel s’embarque sur un navire anglais. Le navire les laisse en Acadie, dans une barque où un navire français les prend en charge et les conduit à Québec. Chose certaine le 30 juillet 1663, c’est l’arrivée à Québec du navire français avec la barque anglaise qui ramenait Michel et les six autres Français. Notre ancêtre est-il parti immédiatement pour Ville-Marie ? Le 31 juillet, le père Lemoyne quitte Québec pour Montréal. Michel était-il avec le groupe qui accompagnait le père Lemoyne ? Le 3 novembre 1663, à Montréal, il est présent au baptême de Marie-Anne Picard.

 

Troisième prise de Michel

 

Au printemps 1692, les Iroquois sont présents dans la partie est de l’Ontario et on attendait un convoi de Michillimackinac. Le gouverneur Frontenac demande à M. de Callière d’envoyer dans l’Ouest quelques voyageurs. Ils sont escortés par trois canots, dont un commandé par Michel Messier. Arrivé aux Chats sur l’Outaouais, Michel redescend à Montréal. Sur son retour, il remarque des traces d’Iroquois. Il fait son rapport à M. de Callière qui, inquiet, expédie quarante hommes commandés par Michel avec pour mission de fouiller la rivière. Il se rend jusqu’à l’île des Calumets sans rien apercevoir. Il revient à Montréal où il fait son rapport à M. de Frontenac qui avait des ordres à transmettre au commandant de Michillimackinac. Le gouverneur donne donc les documents à Michel qui reprend le chemin parcouru. Au portage des Chats, les Iroquois se présentent en force. Il doit rebrousser chemin avant d’être repéré.

 

Une soixantaine d’autochtones « Têtes de Boule Â» sont à Montréal. Ils demandent au gouverneur une escorte pour se rendre jusqu’à l’embouchure de la rivière La Lièvre. Michel s’offre de les conduire. On lui donne trente hommes et trois officiers. Ces Indiens ne sont pas des guerriers. Arrivés au Long-Sault, ils doivent effectuer un portage pour éviter des rapides. Le groupe de voyageurs est surpris par l’ennemi. Une décharge tue et blesse plusieurs Français.

 

En un clin d’œil, les « Têtes de Boule Â» s’évanouissent dans la forêt. Comme le relate Michel au père Charlevoix, les Français se défendent avec une bravoure qui les aurait sauvés si les sauvages ne les avaient point abandonnés. Ils tentent de se sauver dans un canoë. Par malchance, celui de Michel et des deux Hertel se renverse. L’ennemi est au nombre de cent quarante hommes, environ soixante femmes et enfants. Les Français sont mis hors de combat et Michel est fait prisonnier une troisième fois : c’est encore chez les Onnontagués, avec leur chef «Chaudière Noire» qui se vante de pouvoir faire trembler la terre. Cette fois, sa captivité sera de plus courte durée.

 

Quand le conseil souverain se réunit le 6 octobre 1692 pour juger d’une cause où Michel est impliqué, on le dit décédé. Quelques jours plus tard, le 13 octobre, nouvelle réunion du conseil souverain. Cette fois, on dit qu’il ne serait pas mort mais prisonnier. Il est détenu dans la capitale iroquoise. En juillet 1693, après avoir faussé compagnie à ses geôliers, il revient à Montréal après une marche de 25 jours à travers les bois. Il informe les autorités que les Anglais ont construit un fort de huit bastions à double palissade dans Onnontagué. Cette capitale iroquoise, aujourd’hui, située près de Syracuse NY, devait servir de refuge aux Iroquois en cas d’attaque des Français.

 

Michel raconte également le martyre qu’a eu à subir une femme d’Onnontagué, nommée Françoise. Elle avait décidé de se faire chrétienne et de demeurer au Sault-St-Louis, face à Lachine. À cet endroit, elle est enlevée par les siens et ramenée dans sa famille. Le récit de ses tourments, racontés par notre ancêtre, fit pleurer de nombreux Montréalais. Même ses yeux se couvraient de larmes quand il décrivait cet événement. Le 26 août 1693, il est à Montréal devant le notaire Adhémar.

Texte tiré du volume de Gilles Messier :  Les Messier et leurs ancêtres, 700 ans d'histoire.

Dernière mise à jour : 

22 juillet 2014

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