top of page

Michel Messier

L'homme qu'il a été

On peut connaître un peu plus Michel par les dizaines d’occasions où il est passé chez le notaire ainsi que les nombreuses fois où il est mentionné ailleurs. Pour ce faire, il faut analyser tous ces documents. Il savait écrire. Où l’a-t-il appris ? Le 10 décembre 1653, il signe comme témoin à la promesse de mariage de Charles Lemoyne et Catherine Primot. C’est l’écriture d’une personne qui ne semble pas prendre la plume pour la première fois. En plus de sa signature au bas des documents, j’ai vu dans l’inventaire de ses biens fait le 4 janvier 1726 cette petite note; « Un petit billet écrit de la main de feu St-Michel par lequel il paraît que Joseph Hébert doit onze livres ». Une autre note dit : « Un petit livre de comptes où paraît quelques petites dettes qui sont dues à la dite communauté ».

 

Dans le minutier du notaire Marien Tailhandier du 12 novembre 1722, l’on obtient une preuve hors de tout doute. Dans un acte de concession à Joseph Hébert, il a été inclus un billet daté du 20 juin 1719, écrit de la main de Michel Messier. Le papier mentionne que sa fille Marguerite a donné une concession qui a été vendue à Joseph Hébert. Aucun papier n’existait pour prouver ces transactions. À la suite de travaux effectués sur cette terre, Michel se sent moralement obligé de confirmer la transaction. D’où le billet présenté à la page suivante. Une analyse de son écriture nous révélerait un homme volontaire, un homme de décision qui s’avance sans préambule quand il projette quelque chose. Si, en 1653, Michel voulait apprendre à lire et écrire, il a pris les moyens d’y parvenir.

 

Ces notes sont, sans équivoque, une certitude qu’il savait lire et écrire. Cependant, comment l’a-t-il appris ? Avec des parents illettrés, ce n’est certes pas en France. Au Canada, avec ses oncles et sa tante également illettrés, ce n’est pas de ce côté qu’il faut chercher. Ce n’est qu’en 1658 que Marguerite Bourgeois ouvre la première école à Ville-Marie. Je crois qu’il faut regarder un peu autour de lui. En 1653, Catherine Primot est de retour à Montréal après un séjour chez les Ursulines. Il est possible qu’elle ne soit pas étrangère avec son futur époux, Charles LeMoyne, à la volonté de Michel d’apprendre à lire et écrire. Il y a aussi la possibilité que Jeanne Mance, lui ait donné ainsi qu’à Catherine Primot, ses premiers cours de français ?

 

En 1673, à Montréal, on doit lever un impôt selon la richesse des gens. Cet argent servira à défrayer le coût du logement des soldats en poste à Montréal. La liste des contribuants est faite le 5 décembre 1673. Michel est un de ceux qui ont à payer le plus en y contribuant pour cinq livres. À trente-trois ans, Michel semble être financièrement à l’aise.

 

Michel n’a pas été seul à défricher sa terre. Les recensements nous apprennent qu’en 1666, son oncle Jacques et son frère Jacques demeurent avec lui. De plus, il a deux domestiques : Julien Talien, vingt-trois ans et Maurice Averty, vingt-huit ans. Celui de 1667 nous apprend, en plus, qu’il a sept bestiaux et trente arpents en valeur. Au recensement de 1681, il demeure sur sa seigneurie. Il ne semble pas avoir de domestique. On apprend toutefois qu’il a quatre fusils, huit bêtes à cornes et trente arpents en valeur.

 

Le 2 octobre 1694, à la requête de Bénigne Basset, Michel fait une déclaration en faveur de Maurice Averty. Michel exprime quelques-unes de ses frustrations. D’une part, il affirme qu’il ne s’est jamais senti complètement libre dans ce pays. La liberté de pouvoir aller en France était très restreinte. Il y avait aussi les obligations pour effectuer du travail pour le roi. Il mentionne également qu’il a eu, à plusieurs reprises, à commander la milice pour combattre les Iroquois. D’autre part, il est probable que, s’il en avait eu le loisir, il n’aurait pas retraversé l’Atlantique, ses obligations familiales le retenant ici. Le fait de ne pas avoir cette liberté le rendait amer.

 

Un autre facette de lui est sa croyance en Dieu. Les quinze premières années de sa vie à Ville-Marie ont été favorables à son épanouissement spirituel. Retrouve-t-on dans les écrits quelques preuves tangibles de ses croyances ? En 1672, le Sulpicien Dollier de Casson décide de rédiger une histoire de Montréal. Pour y parvenir, il interroge les témoins de sa fondation. Michel est un de ceux-là. Quand, en 1654, il mentionne que St-Michel est de retour parmi les siens, c’est que Michel Messier était plus connu sous le nom de monsieur de St-Michel. Ce surnom lui aurait été attribué pour sa ferveur religieuse. Il est possible qu’en plus du milieu où il ait vécu, ses deux captivités chez les Iroquois avec la crainte de mourir l’ont rapproché de Dieu.

 

On retrouve assez souvent dans des testaments de l’époque des clauses qui demandent de faire dire de nombreuses messes pour le repos des âmes et Michel n’y fait pas exception. Dans une vente de terrain à Montréal, faite le 30 mai 1712 par Michel aux R.P. Récollets, une clause stipule que ceux-ci devront dire soixante-quinze messes, à son décès, pour le repos de son âme et celle de son épouse. De plus, il ajoute que dix messes devront être dites pour le repos des âmes du purgatoire les plus abandonnées. Ce n’est sûrement pas le geste d’un égoïste, d’une personne qui ne pense qu’à soi.

 

C’est toutefois le 22 février 1718 qu’il montre le plus sa générosité. Afin de s’acquitter d’une promesse qu’il a faite, il y a de nombreuses années, il donne la somme de mille livres à l’église de Varennes pour qu’une des deux chapelles en construction porte le nom de son patron St-Michel-Archange. De plus, il demande que sa sépulture et celle de son épouse soient faites dans l’église. Ce geste gratuit qu’il pose sans contrainte nous révèle un peu l’âme de cet homme. L’inhumation de son épouse a effectivement eu lieu dans l’église. Toutefois, si on croit son acte de sépulture, Michel semble avoir eu la sienne dans le cimetière de la paroisse.

 

Cette église a été remplacée. Aujourd’hui, on peut voir à Varennes la quatrième église dont la construction a été décidée en 1882. Elle a été élevée au rang de basilique en 1993. À l’intérieur, on peut admirer une immense peinture de St-Michel-Archange qui est probablement un signe évident d’un don que Michel a fait à la paroisse en 1718.

 

Ayant été un homme assez actif, il est presque normal de le voir se retrouver devant les tribunaux pour régler certains différents survenus avec les gens qu’il a côtoyés. En 1673, on fait appel à ses services. Il doit dresser un inventaire des biens du Sieur Brucy qui a des démêlés avec la justice. Plus tard, devant la crainte que ces marchandises ne se détériorent, le Conseil Souverain demande à notre ancêtre, ainsi qu’à René Cuillerier, de les transporter à Lachine ou à Montréal afin de les vendre. Ils ont également la garde et l’autorité d’écarter toute personne qui tenterait de s’en approprier.

 

Plusieurs causes se retrouveront devant la justice. Quelquefois, ce sera Michel qui y aura recours et d’autres fois, il devra se défendre. Étienne Campot plaide le 13 décembre 1667 afin de régler un différent avec Michel au sujet de l’annulation d’un marché fait entre eux. Une cause se rendra devant le Conseil Souverain et traînera longtemps avant d’être réglée. René Fezeret intente une poursuite contre Michel. Le litige débute par un billet rédigé le 17 juin 1682 sur une promesse de concession. Après une sentence défavorable du lieutenant général de Trois-Rivières du 12 juin 1691, Michel porte la cause devant le Conseil Souverain. Elle se retrouve reportée pour plusieurs raisons. À un certain moment, Michel est prisonnier. À une autre occasion, le juge demande à voir le billet et on fait appel à un expert pour connaître l’authenticité de la signature de Michel. Le 26 avril 1694, comme l’époux d’Anne Lemoyne est absent des délibérations du Conseil Souverain, il perd par défaut et est condamné à donner une concession telle que stipulée dans le billet.

 

Dès 1672, Michel est lieutenant de la milice à Montréal. C’est après son déménagement à Varennes, qu’il deviendra capitaine de milice parce qu’il est seigneur. Enfin un dernier jugement que l’on peut faire sur Michel est l’appréciation qu’avaient de lui les habitants de Ville-Marie. Le 2 mars 1664, à la suite d’une ordonnance de M. de Maisonneuve du 15 février dernier, on doit nommer cinq juges de police. On procède par vote pour faire les nominations. 30 personnes retiennent l’attention des 226 citoyens qui ont fait leur choix. Trois obtiennent plus de vingt votes, 6 entre 10 et 20 votes. Michel se classe le quinzième avec quatre votes en sa faveur.

 

Michel décède le 2 novembre 1725 à la suite d’une longue maladie. Il suit son épouse décédée quelques mois plus tôt. Il laisse également quatre de ses douze enfants. Sa sépulture a lieu le lendemain. L’inventaire de ses biens se fait le 4 janvier 1726. Le lendemain, ceux-ci seront vendus et nous révèlent quelques détails intéressants. Il semble que l’usage du tabac ait commencé par lui chez les Messier. Un petit sac à tabac a été vendu à Jean Gauthier pour 15 sols. Il possède également un article digne de mention : Trois tasses d’argent en forme de gondole se mettant l’une dans l’autre, évaluées à 10 livres pièce. Avec le prix d’une vache estimé à 28 livres on peut mieux juger de la valeur des tasses. Elle est soulignée par l’appréciation faite dans un livre de deux historiens français, Sophie et Didier Decault.

 

« Dans la maison du petit-bourgeois, se trouve ce qui est raffinement inouï, une gondole, qui est un petit vase à boire long et étroit, sans pied ni anse ».

Billet écrit par Michel Messier à Joseph Hébert

Au Cap St-Michel à Varennes

Le 20 juin 1719

 

Ayant la connaissance que ma fille

Marguerite LeSueur aurait donné une concession

de trente arpents à Desroche quatre

arpents de large à prendre sur le

bord de la grande rivière du fleuve

 

St-Laurent sur trente de profondeur

et qu’il l’aurait vendue à Joseph Hébert

sans qu’il parut aucun titre de

concession que celui de la rente, ayant

toujours joui paisiblement et fait

 

beaucoup de travaux sur la dite terre

me sentant obligé de lui en donner

une assurance de la dite terre

pour lui et pour les siens moyennant

ce qui suit savoir quatre chapons de

 

rente et tout par chaque arpent

tous les ans jours et fête St-Martin

et tous les autres droits seigneuriaux annuels

et partiel et non rachetable en outre

je lui ai accordé huit autres arpents de

 

terre qui pourrait rester du second rang

mais qui l’estime sans titre au bout

de ses trente arpents aux même conditions

duy (d’aujourd’hui) tout pareil arpent payable à

la St-Martin.

 

                                   St-Michel

                        (Michel Messier sieur de St-Michel)

Ce billet a été inséré avec le contrat de concession de Michel Messier à Joseph Hébert le 12 novembre 1722.

Texte tiré du volume de  Gilles Messier :  Les Messier et leurs ancêtres, 700 ans d'histoire.

Dernière mise à jour : 

24 septembre 2014

bottom of page