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Michel Messier

Son cheminement et ses propriétés

Son cheminement de Montréal à Varennes

 

Il est dit plus haut que Michel a acheté une terre de Charles Lemoyne à Montréal. Il s’installe sur celle-ci dès son mariage avec Anne Lemoyne. Il est le cinquième propriétaire de cette terre. Au début, elle est concédée en 1648, à James Bourguignon, maître-canonnier de Ville-Marie. Celui-ci vend sa terre le 10 mars 1652 à Lambert Closse qui ne la conserve pas longtemps. Moins de trois mois plus tard, le 6 juin 1652, elle est vendue à Charles de Lauzon. Enfin le 5 janvier 1656 elle est vendue à Charles Lemoyne qui la revend l’année suivante à Michel.

 

La richesse de Michel prend de l’importance. En 1665, il y avait à Montréal cinq granges pour entreposer les récoltes. Michel était propriétaire de l’une d’elles. Dans un lieu éloigné comme Ville-Marie, c’était un atout important pour la population d’avoir des réserves de nourriture.

 

Le 5 novembre 1669, au Cap-St-Michel, Michel loue une terre pour cinq ans à Pierre Villeneuve et Jean Gruet. L’année suivante, il leur confie une autre portion de 12 arpents labourables à la pioche. Sur la terre, il y a des bâtiments dont la nature n’est pas précisée et une grange que le bailleur doit construire. La location semble avoir été faite en préparation de son futur déménagement; il s’agit de mettre la terre en valeur afin qu’il puisse vivre assez convenablement à son arrivée à Varennes.

 

Le 21 juillet 1670, à Montréal, il loue pour un an, une maison à François Chartier et Jean Magnan; cependant il se réserve une chambre pour ses besoins lors de ses visites à Montréal. Le 24 juillet 1671, Michel engage pour un an, Adrien Laforest. L’engagement débute le 1er août 1671. Tout laisse croire que, pendant cette période, cet homme l’aidera pour son déménagement à Varennes. Le 11 septembre 1672, il vend « La Provençale Â» à Jean Morel. Cependant, il se garde un demi-arpent sur sa terre. Dix jours après cette vente, il s’achète un terrain, rue St-Paul, qu’il revend le 4 octobre 1678 à Simon Guillory. Tous ces actes laissent clairement voir que Michel déménage à Varennes.  Michel déménage définitivement à Varennes entre le 1er septembre 1678 et la fête de Pâques de l’année suivante. Il loue sa maison à Michel Lecourt mais demeure toutefois propriétaire de « La Provençale Â». Il se réserve une chambre dans sa maison de Montréal, comme pied-à-terre pour ses affaires.

 

Pour une raison inconnue, la vente du 11 septembre 1672 est annulée. Aucun document ne le mentionne. Cependant, des actes passés plus tard indiquent que « La Provençale Â» est toujours propriété de Michel. Les transactions concernant sa terre nous apprennent qu’en plus de sa maison et de la grange, il y avait également un cellier, un fournil et une étable.

 

Pendant la période de location de sa maison, il serait à Varennes; et aucune naissance n’est mentionnée dans la famille Messier. Michel est-il revenu à Montréal à la fin du bail ? Le 2 mai 1672, à Montréal, c’est la naissance de sa fille Gabrielle. Après la vente de « La Provençale Â», l’enfant qui suit, Jean-Michel, naît le 31 mai 1674 et est baptisé à Boucherville. Ensuite, les deux suivants voient le jour à Montréal : Marguerite, le 24 mai 1676 et un enfant mort-né le 28 août 1678. C’est une période d’incertitude, quant à son lieu de résidence pendant cette décennie.

 

Une autre information nous est révélée dans un acte du 24 juillet 1676. Michel loue à Nicolas Choquet pour trois ans, au Cap-St-Michel, une terre de 7 arpents de large sur toute la profondeur de la seigneurie. Elle est en partie déboisée ; de plus une boulangerie servira de logement au locataire. On mentionne aussi une grange, une étable et une maison avec grenier qui lui appartient. La location inclut des animaux, une charrue, une charrette etc. Le bail de Pierre Villeneuve et Jean Gruet était terminé fin 1674. À cause de la naissance de ses enfants à Montréal, Michel a-t-il fait une entente verbale avec eux pour prolonger son bail jusqu’à l’année 1676 ? Une chose est certaine : on devait s’occuper des animaux.

 

Quatre documents nous donnent des informations sur la maison : ceux du 21 juillet 1670, du 11 septembre 1672, du 1er septembre 1678 et du 10 juin 1709. Sur son aspect extérieur, le contrat de 1672 mentionne qu’elle était de sable et pierre à chaux. Celui de 1678 affirme la même composition. Cette mention concerne-t-elle l’intérieur de la maison ? Quant à celui de 1709, on mentionne une maison de pièce sur pièce. Deux contrats mentionnent sa dimension. Celui de 1672 indique qu’elle a 42,7 pieds de longueur et 17 à 19 pieds de haut. Le notaire ne mentionne pas la largeur. Celui de 1709 donne comme mesure, 36,3 pieds de front, sur 21,4 pieds de profondeur, par 10,8 pieds de haut. Il est stipulé qu’elle avait une cheminée. Selon les caractéristiques intérieures, je crois que la hauteur est plus près de 17 à 19 pieds.

 

L’intérieur est partiellement décrit dans deux contrats. Dans celui de 1670, on mentionne qu’il y a deux chambres au rez-de-chaussée et deux autres à l’étage en plus d’avoir un grenier. En 1678, on ajoute que la maison possédait une cave.

 

Quand les autorités militaires refont les fortifications de Montréal en 1718, celles-ci seront de pierre et beaucoup plus imposantes que les anciennes. Elles traversent dans la partie Ouest la terre de Michel. Le séminaire de St-Sulpice, seigneur du lieu, doit lui acheter la portion où passera la future enceinte.

 

La section de « La Provençale Â», située entre la rue St-Paul et Notre Dame, a quatre arpents en superficie. Dans cette partie, sont inclus les bâtiments possédés par Michel. Que deviennent ces arpents ? Si je prends la section de gauche à droite, une bande d’un arpent de large à l’arrière d’un terrain appartenant à Marguerite LeSueur est vendue le 2 août 1695 à Pierre Lamoureux. Cette partie touche la rue Notre- Dame au nord. Je n’ai pas trouvé d’acte de vente pour la partie appartenant à la fille de Michel.

 

À la droite du terrain de Marguerite LeSueur, le 10 juin 1709, un morceau d’un demi-arpent par un arpent est vendu à Guillaume Tartre avec une maison de pièce sur pièce. Ce serait la demeure de Michel entre 1658 et 1678. Elle a pour façade la rue St-Paul; derrière, se trouve un morceau semblable appartenant à notre ancêtre. Ensuite c’est une section d’un demi-arpent par deux arpents vendue aux Sulpiciens. Sur cette partie, sont situés la grange, l’étable et le cellier, qui ont été détruits pour la construction des fortifications en 1718. Aujourd’hui, elle est située dans la rue McGill. Quelques petits morceaux ont été vendus aux Récollets à l’est du terrain vendu aux Sulpiciens. Enfin le 7 août 1683, une petite pièce d’un huitième d’arpent située sur la droite avec façade rue St-Paul est vendue à Marie Pacro. Cet emplacement a été vendu aux Sulpiciens pour la construction des fortifications. Enfin le morceau de trois arpents vendu le 26 mars 1708 à François Hazeur est situé au nord de la rue Notre-Dame. En 1709, Michel cède à Paul Bouchard toute la partie non vendue située dans cette section de « La Provençale Â».

 

Les Récollets étaient propriétaires de la partie adjacente à celle des Sulpiciens. De plus, il restait quelques petits morceaux en forme de pointe de tarte. Cette partie était située à l’intérieur des fortifications. Ils décident de faire un échange avec Michel. Il passe deux fois chez le notaire pour des transactions avec eux. En 1712, il leur vend un morceau de terrain. Alors âgé de 83 ans, il refait le 24 juillet 1723, le voyage en canot de Varennes à Montréal pour une deuxième transaction avec les Récollets. Il échange un autre terrain avec eux. Le même jour, il vend sa nouvelle acquisition à M. St-Dizier. Le 16 mars 1725, alors âgé de 85 ans et malade, il revient à Montréal une dernière fois voir cette ville qu’il a si ardemment défendue pour signer une quittance à l’acheteur.

 

Combien de temps la maison de Michel sur « La Provençale Â» est-elle demeurée debout ? Il est difficile de répondre avec précision à cette question. À la page suivante, un dessin d’artiste reproduit une partie de Montréal en 1684. Les bâtiments mentionnés sur la terre quelques années plus tard sont toujours présents. Une certitude : s’ils ont résisté au temps, ils n’ont pu dépasser le cap de 1765. Rien n’indique qu’ils étaient toujours debout à cette époque. Cette année-là, le feu a détruit environ le quart des habitations de Montréal.

 

Un monsieur Livingstone conservait les cendres de son foyer dans sa maison. Ce qui devait arriver arriva. Les cendres encore chaudes mirent le feu à sa maison pour se communiquer aux autres bâtiments. Toute la partie ouest de Montréal y est passée. L’incendie fut si violent que les bâtiments situés à l’extérieur des fortifications, comme la maison de Michel, furent également détruits.

La Provençale

 

Sa seigneurie

 

En 1676, Michel devient officiellement seigneur du Cap-St-Michel à Varennes. Comment ce fils de journalier est-il parvenu à se faire nommer seigneur ? Aucune mention n’est faite pour justifier ce fait. Je crois tout de même que plusieurs facteurs ont influencé les autorités en place. Michel est arrivé à l’âge de neuf ans. Il est bien connu des administrateurs de Montréal à cause du petit nombre de personnes résidentes. Il a dû être remarqué pour le courage qu’il a sûrement déployé comme milicien. Enfin ses deux captures par les Iroquois l’ont aidé dans la décision des autorités. Comme beau-frère de Charles Lemoyne, Jacques Lemoyne et Jacques Leber, hommes très influents, ceux-ci l’ont certainement recommandé.

 

Un projet de règlement fait par M. de Tracy et Jean Talon du 24 janvier 1667 est peut-être le motif qui a favorisé Michel. On voulait aider les nouveaux colons à s’établir sur leur terre. En fixant des gens avec expérience dans le défrichage au milieu des nouveaux venus, on croyait avoir trouvé la meilleure façon de les aider. La décision de Messieurs de Tracy et Jean Talon est venue à la connaissance de Charles Lemoyne. Lui qui a toujours cherché à bien établir sa famille a vu une excellente occasion de plaider en faveur de son beau-frère. Le savoir-faire de Michel depuis son arrivée en plus des raisons nommées plus haut expliquent ce choix.

 

Dès 1665, à la suite de ce qui semble être une promesse verbale de la part de l’administration, Michel construit un fortin à Varennes sur ce que l’on nomme le Cap-St-Michel. Cet endroit était un site idéal pour y ériger un fort. C’était une haute pointe de terre pénétrant dans le St-Laurent. On avait un magnifique point de vue du fleuve ainsi qu’un bon point d’observation de la Rivière-des-Prairies. Ce premier geste posé, il commence le défrichement dans sa future seigneurie. Je ne sais combien de temps le fort a résisté aux intempéries. Cependant, un acte de 1737 mentionne qu’il est toujours debout. Aujourd’hui, l’endroit de sa seigneurie est situé dans la partie est de Varennes. L’île Deslauriers qui y fait face et dont il est en partie seigneur, est visible sur les cartes modernes.

 

Michel n’a toujours pas le titre de sa seigneurie. Mais c’est un homme qui fonce sans regarder en arrière. Il achète, en 1668, le fief de la Guillaudière adjacent à sa future seigneurie qui doit tout de même être partagé avec son beau-frère Jacques LeMoyne. La partie de Michel deviendra le Cap-St-Michel et celle de Jacques Lemoyne portera le nom de Notre-Dame. Michel en a déjà défriché une partie sans savoir quel morceau lui reviendra. On fait appel au gouverneur de Trois-Rivières, René Gauthier, sieur de Varennes, pour servir d’arbitre. Il rend sa décision le 12 mai 1668. Deux jours plus tard, le gouverneur M. De Courcelle en fait la concession aux intéressés. Elle est confirmée par l’intendant Jean Talon, le 3 mai 1672. L’arpentage se fait le 27 février 1673 afin de délimiter la partie échue à chacun. Il faut toutefois attendre en 1676 pour que le partage soit officialisé. L’année suivante, l’aveu de partage et l’état du dénombrement de la seigneurie complètent les formalités. Michel peut donc aller librement développer sa seigneurie.

 

L’année suivante, les premières concessions sont données à Ignace et Léger Hébert. Toutefois, la majeure partie de celles-ci est donnée en fief à ses enfants. Dans le contrat de mariage de sa fille Marguerite avec Pierre Lesueur, elle reçoit en dot le fief de La Guillaudière. Il donne de nombreuses concessions jusqu’à sa mort survenue en 1725. La seigneurie passe alors à son fils aîné, François-Michel.

 

Face aux Iroquois, les citoyens de Varennes ont-ils bénéficié de la sagesse de Michel ? Durant la reprise de la guerre entre 1689 et 1695, on voit des Français autour de Varennes se faire attaquer et tuer, sans que ceux-ci soient attaqués eux-mêmes. Ce n’était pas leur nombre (seize habitants en 1683) qui a fait reculer l’ennemi. Le fort construit sur une pointe de terre élevée qui s’avance dans le St-Laurent les a peut-être fait réfléchir. L’effet de surprise, si cher aux Iroquois, était difficilement applicable à Varennes. Michel a pu demander aux citoyens de couper les broussailles et éviter par la coupe des arbres, de fournir des endroits propices aux ennemis pour surprendre les colons. Son expérience à Montréal lui a certainement servi à Varennes.

 

En juillet 1688, les Iroquois attaquent des colons à Contrecoeur et Boucherville. Le 13 novembre 1689, c’est à Lachenaie et l’île Jésus qu’ils font de grands ravages. En 1690, à Pointe-aux-Trembles et Verchères. Frontenac doit mettre des soldats pour surveiller les colons dans leurs semences. En mai 1691, Pointe-aux-Trembles reçoit encore leur visite. Le 7 juin 1691, un combat a lieu à Repentigny où un fils de Charles Lemoyne perd la vie. En août 1691, trois Français sont faits prisonniers.

 

Après la capture de Michel sur le lac des Deux-Montagnes, le 15 juillet 1692, 14 français sont capturés à Lachenaie et deux à St-François sur l’île Jésus. Les Iroquois ne lâchent pas, ils reviennent à Verchères le 22 octobre 1692. Cependant une jeune fille de 14 ans leur tient tête.

 

Frontenac décide d’attaquer les Iroquois. Le 25 janvier 1693, il quitte Montréal avec 400 miliciens. Il anéantit presque la tribu des Agniers responsables de plusieurs attaques. Puis vient l’évasion de Michel en juillet 1693.

 

Les Iroquois ne lâchent pas; au printemps 1695, deux autres Français sont capturés à Lachenaie suivis de Français tués à Rivière-des-Prairies. Le 29 août 1695, Christophe Février est tué à Boucherville.

 

Si Varennes est épargné, trois hommes du Cap-St-Michel sont capturés à Verchères. Comme on le voit, l’expérience et la prudence de Michel ont probablement sauvé bien des gens de Varennes.

La maison seigneuriale

 

Le 5 novembre 1669, Michel loue pour cinq ans à Pierre Villeneuve et Jean Gruel, habitants de la seigneurie de Jacques Lemoyne, quinze arpents de terre sur sa seigneurie pour faire du défrichage. Dans le document, il est mentionné qu’il loue également une maison et une grange. C’est la première preuve qu’une maison est construite au Cap-St-Michel. Il est possible que les bâtiments soient situés à l’intérieur du fortin construit quelques années plus tôt. Avec l’arbitrage de M. De Courcelle fait en 1668, les limites de sa seigneurie étaient connues. Michel pouvait donc construire une maison pour recevoir sa famille.

 

Je n’ai pas trouvé de contrat de construction, de ferrures ou de maçonnerie. Un contrat aurait pu déterminer la date et certaines caractéristiques des bâtisses. Il existe actuellement à Varennes une maison, propriété de la compagnie Hoechst. Certains prétendent que c’est la maison de Michel Messier. L’origine de cette croyance vient d’un ancien curé de Varennes, Elisée Choquet, qui a fait des recherches à partir des propriétaires actuels. Il a reculé jusqu’en 1842, date du premier propriétaire enregistré avec notre système de cadastre actuel. Comme le propriétaire de l’époque était Jean-Baptiste Messier, il en est venu à la conclusion qu’il était l’héritier de la maison de son ancêtre. Je crois que la vérité est tout autre.

 

En consultant l’aveu et dénombrement de 1736, on constate qu’une seule maison de pierre existait à cette époque au Cap-St-Michel et elle n’appartenait pas à notre ancêtre. Le document indique plutôt qu’une maison de bois était érigée sur la terre habitée par Michel.

 

Selon mes recherches, la maison de Michel a été bâtie aux environs de l’actuelle maison Gulf, aujourd’hui propriété de N.L. Chemical, laquelle est située à quelques dizaines de mètres à l’ouest des installations qui servent à la navigation sur le St-Laurent. Elles semblent avoir été construites sur l’emplacement où était le fortin.

 

La maison seigneuriale a reçu le 11 juillet 1681 de la grande visite. Monseigneur de Laval est venu confirmer quelques enfants. Il loge là, une nuit avant de partir le lendemain en direction de Lanoraie. La demeure, ayant également servi de lieu pour les baptêmes, est disparue depuis très longtemps.

 

Voici les enfants confirmés par Mgr de Laval.

 

            Pierre Charron 9 ans

            Gilles Léger/Deneau 13 ans

            André Jeoffrion 10 ans

            Anne Messier 12 ans

            Gabrielle Messier 8 ans

            François Picart 8 ans

            Marie Picart 12 ans

Texte tiré du volume de  Gilles Messier : Les Messier et leurs ancêtres, 700 ans d'histoire.

Dernière mise à jour : 

28 juillet 2014

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